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Le secteur qui fait l'objet de cette étude s'étend sur la partie du Haut Auxois que traversent la Brenne et ses deux affluents principaux l'Oze et l'Ozerain.
Le pays est constitué par un système de plateaux assez étroits séparés par des vallées peu larges, lesquelles forment par leur réunion aux environs des Laumes une plaine de petite étendue La surface des plateaux coïncide en gros avec le sommet des calcaires du bajocien inférieur. Cette surface est bossuée çà et là par de petites élévations au profil mou, généralement boisées «les theureaux », qui sont formées par la base des calcaires bathoniens. Entre les theureaux et le bord des Plateaux s'étend une zone relativement fertile car son sol est constitué par les marnes du bajocien supérieur lesquelles amènent de l'humidité voire même des sources assez importantes. Ailleurs sur le plateau on n'a qu'un sol caillouteux et sec avec çà et là, surtout sur les bancs durs qui forment la bordure et très particulièrement près des dépressions qui s'amorcent en cette région, quelques places où un limon rouge plus abondant donne un peu de terre arable.
Le bord des plateaux est curieusement découpé par l'érosion. Les sources qui sourdent au bas de la corniche calcaire alimentent de multiples ruisselets qui peu à peu par le mécanisme du recul des sources entament le bord du plateau, produisant des espèces de criques dominées de part et d'autre par des promontoires. D'autre part, les assises liasiques détrempées par l'eau qui circule dans les calcaires bajociens superposés supportent mal la masse de ceux-ci ; aussi sur les bords l'assise rocheuse des plateaux se fissure ; les fissures tendent à s'élargir et des pans entiers se sont éboulés plus ou moins loin en contrebas. Le bord des plateaux présente par suite tantôt des pans de rochers abrupts tantôt des pentes raides ou douces encombrées d'éboulis de tous calibres ; ces pentes sont presque toujours boisées.
A la base de la corniche calcaire se trouve le niveau de sources le plus important de la région ; souvent des paquets d'éboulis grossiers ont arrêté là, derrière eux des éboulis plus fins qui déterminent des méplats au sol meuble et perméable entre lesquels apparaissent les sources.
Les flancs des vallées sont sculptés dans les argiles molles du lias ce qui leur donne en général une section en V évasé avec des lignes souples et harmonieuses. Un niveau calcaire au sommet du lias moyen détermine souvent à mi-pente un ressaut assez net ; de petites sources sortent fréquemment à ce niveau. D'autre part, des paquets d'éboulis bajociens peu ou largement étendus viennent souvent interrompre la régularité des pentes. Tandis que des prairies garnissent le sol liasique, des buissons ou des boqueteaux signalent les lambeaux calcaires ; çà et là, des nappes d'éboulis plus fins donnent un sol propre aux cultures. Des sources apparaissent ici ou là ; elles ne sont la plupart du temps que des réapparitions de filets qui ont circulé capricieusement à travers les éboulis.
Le fond des vallées n'est généralement pas large ; quand il n'est pas trop resserré, la rivière y circule entamant une masse de cailloux roulés, vestiges d'un ancien lit, recouverts par des apports de terre meuble arrachée par le ravinement aux pentes voisines. Cette structure est surtout nette dans la plaine des Laumes. En outre sur les bords de celle-ci on retrouve à plusieurs niveaux des nappes de galets qui attestent que le creusement des vallées s'est fait par saccades.
Tel est le cadre physique où se déroule actuellement l'activité humaine dans la région considérée. Jadis toutes les possibilités qu'il offrait ont été largement utilisées mais pour les périodes très anciennes, il faut tenir compte des modifications qu'il a subi et surtout des changements de climat qui ont pu conduire à une utilisation des lieux différente de celle que nous connaissons. D'ailleurs l'étude de la répartition des vestiges d'occupation humaine pourra donner des indications sur ces changements de morphologie et de climat.
Les gisements paléolithiques sont peu nombreux.
On a des brèches osseuses accumulées avec un limon plus ou moins rouge dans les fissures du bord des plateaux (Fontaine Rosée à Flavigny). Les grottes creusées dans les rochers ne sont que des boyaux étroits ; jusqu'ici elles n'ont pas donné de vestiges d'occupation humaine paléolithique ; quelques unes, situées plutôt vers le sommet de la corniche, ont été des repaires d'hyènes ou d'ours (Cave Nobry à Leugny, Grand Caveau de Flavigny). Les seules traces d'activité humaine ont été rencontrées dans des éboulis à la base de la corniche à Ménetreux-le-Pitois et dans les dépôts marquant un ancien niveau de la Brenne plus élevé que l'actuel d'environ 12 mètres, à l'ancienne Carrière Lacordaire, vers Pouillenay. A Mènetreux, l'industrie est moustérienne ; à Pouillenay, levalloiso-moustérienne. Il est probable que la rigueur du climat ne permettait pas, au paléolithique moyen (nous ne savons rien du paléolithique ancien), l'installation sur les plateaux fréquentés seulement par les animaux dont les carcasses ont été amenées dans les fissures par des ruissellements im-portants qui, à une époque dont la position exacte dans le temps reste à préciser, ont entraîné un peu partout du limon rouge et des cailloux dans les fissures et au travers des paquets d'éboulis. Il est probable qu'alors les vallées étaient moins profondément creusées qu'actuellement; l'homme établissait ses campements dans les périodes les plus favorables sur les berges des rivières et dans les périodes plus critiques dans les endroits bien exposés, à proximité des sources au pied de la corniche bajocienne.
On ne connaît aucun vestige humain remontant au paléolithique supérieur. Mais sur les déclivités des theureaux aussi bien qu'en contrebas de la corniche bordière des plateaux on rencontre souvent des amas de sable anguleux stratifié suivant les pentes et qu'on voit reposer sur du limon rouge on y trouve de temps en temps des éléments de la faune : cheval, grand cervidé. Ces sables ont été produits par les actions du gel et du dégel sur les roches des plateaux ; les produits concassés et broyés ont été entraînés sur les pentes par des courants boueux et dans la suite plus ou moins lavés par le ruissellement. Soumise à un froid sec et rigoureux, à des alternances de gel et de dégel qui tantôt durcissaient le sol, tantôt le transformaient en fondrières, la région qui par ailleurs ne présentait pas de bons abris était donc particulièrement inhospitalière pour l'homme. Les vallées ont dû, à cette époque, connaître de grandes débâcles produites par un enfoncement des cours d'eau qui ont arraché sur leurs flancs les galets déposés par eux à des niveaux plus élevés, et qui les ont accumulés dans un lit plus profond que l'actuel et particulièrement dans la dépression des Laumes.
Il n'y a rien de certainement mésolithique, du moins comme âge, dans ce secteur. Par contre, on y rencontre en abondance les produits des techniques néolithiques. Nous disons « techniques néolithiques » car il est difficile actuellement d'assigner une place précise dans la chronologie à ces vestiges industriels, en effet, ils viennent presque exclusivement de stations de surface ; d'autre part, il n'y a guère que des pièces d'outillage lithique taillées ou polies. Or, les classifications modernes du néolithique reposent surtout sur la céramique.
On rencontre les produits dont il vient d'être question dans quatre types de stations.
- Le premier type groupe les stations de plateaux, c'est à dire celles qui sont disséminées sur la surface même du plateau, surtout au voisinage des dépressions.
- Le deuxième type groupe les stations installées sur les promontoires,
- le troisième celles qui sont à la base de la corniche,
- le quatrième celles qui sont dans la plaine ou sur les bas niveaux des vallées.
Les stations des deux premiers types sont aisément repérables, celles des deux derniers le sont beaucoup moins, surtout celles du quatrième, parce que là où elles sont, d'une part le sol n'est pas dégagé, d'autre part des éboulis ou des dépôts de limon les ont souvent enterrées.
Les plus anciennes stations paraissent, sans qu'on en ait la certitude, les stations de plateau du premier type, par exemple celle de « En Fossot » à Flavigny. Ce qu'on retrouve (surtout des silex taillés sur éclats courts, en particulier une sorte de grattoir rond épais) doit représenter des vestiges d'habitation dispersés par les travaux agricoles. Le sol meuble ne descendant pas au-dessous de la profondeur atteinte par la charrue, il y a peu de chance de retrouver des restes en place. Il ne semble pas qu'on ait eu alors des soucis de défense, ni qu'on se soit beaucoup soucié de la proximité des points d'eau actuels. Peut-être était-on encore dans la période humide et chaude qu'avait amenée l'optimum climatique vers 5000 avant J.-C. ; peut-être aussi s'agissait-il d'établissements de pasteurs qui aimaient davantage les pâturages secs des plateaux.
Vraisemblablement plus récentes sont les stations des autres types. L'outillage de silex y paraît plus évolué, les pièces polies et le matériel en pierres dures plus abondants. Celles qui sont installées sur les promontoires sont souvent du type éperon barré, mais avec des barrages bas (on ne sait pas encore s'ils sont calcinés ou non), par exemple le "Camp de Crêt » à Charigny. Le matériel qu'elles ont fourni, a d'évidentes affinités avec celles de la civilisation de Michelsberg (plats à pain, idoles de fécondité, etc ...) ; on y pratiquait l'inhumation individuelle en position allongée (Crêt à Charigny, Mont Pennevel, Mont du Purgatoire, etc...)
L'occupation des promontoires est souvent complexe, car les avantages stratégiques de ces positions ont attiré les gens à diverses époques. Il paraît néanmoins que l'occupation première, et dans plusieurs cas, il n'y a que celle-là (Crêt à Charigny, Promontoire au nord de Leugny) a été le fait de gens en rapport avec la culture de Michelsberg et c'est à eux que seraient attribuables les barrages bas. Les grands barrages qu'on trouve parfois (par exemple au Camp de l'Haut-Mont à Villeberny, et pour celui-ci on sait qu'il était calci-né) sont vraisemblablement postérieurs; le mode d'occupation intérieure du camp paraît d'ailleurs différente.
Le troisième type de stations, celui de base de corniche est mal connu. C'est un fait qu'au pied de la corniche bajocienne on trouve en certains points des vestiges nombreux, en par-ticulier pointes de flèches et haches polies, par exemple au lieu dit « En Bornay » à Flavigny, au pied du promontoire de la Montagne de Pouillenay, au pied de la corniche au sud du promontoire du Mont Pennevel, etc. Ces stations sont installées sur les paquets d'éboulis signalés à ce niveau. Elles paraissent toujours en relation avec les stations des promontoires par des voies d'accès bien protégées (Mont Pennevel). On ne sait pas si ces aménagements sont contemporains de la première occupation ou postérieurs. On pourrait évidemment penser que les vestiges trouvés en base de corniche sont les détritus tombés de stations plus élevées. Il semble plus plausible d'admettre que là étaient les établissements habituels, à proximité des terres cultivables, près des points d'eau, et que les camps des promontoires n'étaient que des lieux de refuge qui, en temps ordinaire, pouvaient servir de résidence à certains personnages et de lieux de réunion ou de culte. La vie devait y être en effet difficile, car il n'y avait pas là de points d'eau. Ceci nous amène à parler des grottes. Dans presque toutes on rencontre des vestiges anciens dont certains sont certainement contemporains de la première occupation des promontoires ; on y voit souvent des restes humains ; la plupart du temps les couloirs étant étroits, leur contenu a été bouleversé par les animaux fouisseurs ; par suite, il n'y a plus de stratigraphie. Elles non plus n'ont pas été utilisées comme habitat permanent. On les a vouées à des usages funéraires ; à la grotte du Potier a Flavigny par exemple, on a trouvé de nombreux débris humains mêlés à des os d'animaux ; il n'y avait que quelques tessons portant un décor de gros points analogue à celui de la poterie poinçonnée ; peut-être a-t-on là une trace d'influence danubienne ?
Quoiqu'il en soit, les grottes ont été consacrées surtout aux usages funéraires, ce serait plutôt les gens qui fréquentaient les stations de base de corniche qui les auraient utilisées, puisque ceux qui habitaient les promontoires semblent avoir inhumé en pleine terre. De temps en temps elles pouvaient aussi servir de refuge, mais ce n'était qu'accidentel et momentané. D'ailleurs, on remarque presque toujours au pied des grottes des sortes d'enceintes qu'il serait intéressant de fouiller, car on a peut-être là le véritable habitat des gens qui de temps en temps utilisaient la grotte (grotte Potier, Cave Nobry, etc ... ). Plus que les grottes, les fissures élargies sur le bord des plateaux ont pu servir de lieu d'habitat (fissures du promontoire au nord d'Embussy à Flavigny).
Le quatrième type de station est difficile à définir. Il est connu par des vestiges nombreux qui ont été rencontrés quand des travaux ont entamé la couche de limon entraînée qui recouvre les parties basses des pentes, le fond des vallées et la plaine des Laumes. Au hasard de ces découvertes, on rencontre de magnifiques outils en pierre polie (par exemple hache à double tranchant et perforation centrale de Venarey), un très bel outillage de lames, des meules et des broyons en pierres dures, de la céramique mal connue jusqu'ici ; de la Carrière Lacordaire, près de Pouillenay, vient aussi un pic campignien. Ces mêmes découvertes donnent d'autre part de très beaux objets de bronze, surtout des périodes finales de l'âge du bronze, contemporaines de l'apparition des champs d'urnes. Les objets de bronze de la cachette des Granges-sous-Grignon étaient contenus dans un vase de terre grossière et il y avait avec eux des lames de silex. Il semble donc que ces stations basses aient été occupées beaucoup plus récemment que les autres ; il est possible qu'elles aient été fréquentées déjà par des gens qui ne connaissaient pas le métal et que les bronziers aient pénétré tardivement dans ces groupes. Dans la plaine des Laumes, qui, après les débâcles des périodes précédentes, se trouvait encombrée de beaucoup d'éléments d'apport, le drainage encore mal organisé a pu laisser subsister ici ou là des mares plus ou moins étendues sur lesquelles ont pu s'établir de petites agglomérations de type lacustre. Quoi qu'il en soit du mode d'occupation, il peut très bien se faire que celle-ci n'ait été vraiment effective qu'à l'âge du bronze, mais à une période où le métal était encore rare, celui-ci n'ayant pris d'importance que dans la phase finale ; ce serait un bronze sans bronze ! Les groupes qui appartenaient à cette culture étaient largement répandus sur les bas niveaux ; ce sont probablement eux aussi qui ont occupé les premiers les foyers de la Terre Plaine de l'Auxois, ceux de Cernois et d'ailleurs. Il y a là un ensemble très important d'établissements qui mériteraient d'être soigneusement étudiés. On retrouve d'ailleurs dans les grottes bien des produits qui devaient appartenir aux gens de ces stations (flèches à ailerons carrés de type armoricain au Grand Caveau de Flavigny).
En résumé, il apparaît qu'après le paléolithique on a une longue période au cours de laquelle on ne sait pas ce qui se passe dans la région. Il est probable que l'optimum climati-que des temps atlantiques a permis l'installation sur les plateaux de groupes de pasteurs dès le néolithique. Au Chalcolithique des gens qui connaissaient la culture de Mlichelsberg ont occupé les promontoires et peut-être les terrains cultivables de la base de la corniche, le climat étant encore relativement chaud et humide. Puis on a recherché, probablement à la suite d'une sécheresse grandissante, les terres des points bas ; elles étaient fréquentées par des gens qui possédaient des techniques raffinées pour le travail du silex et de la pierre polie ; ils connaissaient aussi des techniques de tradition campignienne et peut-être avaient quelques contacts avec des danubiens ; peut-être connaissaient-ils aussi le métal, mais celui-ci étant rare, ils l'économisaient et ne l'ont largement utilisé que plus tard. Ces gens à l'occasion pratiquaient l'inhumation en grotte et peuvent avoir aussi utilisé les défenses des promontoires. D'ailleurs tous ces groupes, ceux des plateaux, ceux des promontoires, ceux des vallées, ont fini par être plus ou moins en relation les uns avec les autres même si au début ils étaient arrivés à des époques différentes. Jusqu'à présent on ne connaît pas de monuments mégalithiques dans la région.
L'âge du bronze au moins dans sa période finale a dû coïncider avec une période de grande sécheresse ce qui a conduit les groupes humains à déserter les hauteurs. En effet, sur les plateaux, il n'y a pour ainsi dire pas de vestiges de cette époque alors qu'ils sont abondants sur les bas niveaux et surtout sous la couverture de limon. Aux Laumes, près du captage d'eau, on a trouvé un foyer dans un ancien bras mort de l'Oze recouvert par deux mètres d'alluvions sableuses. Les creusements des carrières à ciment, le creusement du canal, l'établissement de ponts de chemin de fer, ont presque toujours amené la découverte sous le limon d'objets de l'âge du bronze. La seule sépulture bien connue était en base de corniche " En Courbevoie " à Darcey ; des tumulus possédant des vestiges de l'âge du bronze ne sont pas connus ici sur le plateau. Les gens d'alors ont recherché l'eau et les terres cultivables dans les fonds des vallées, quitte à utiliser comme refuges ou comme défense en cas de nécessité les grottes ou les camps des promontoires (le Comet à Jailly) dont ils ont perfectionné les aménagements, par exemple en créant des voies d'accès, en surélevant les barrages, etc... Presque toutes les grottes ont donné de la céramique des champs d'urnes ; d'autre part, beaucoup d'objets de bronze trouvés sous le limon dans les stations des points bas appartiennent à cette culture. Il est donc possible que les gens des champs d'urnes habitant les points bas aient recherché éventuellement les grottes comme lieux de sépulture. Ceci nous porte vers le début du premier millénaire. A ce moment, il y eut certainement une aggravation du climat avec précipitations abondantes ; celles-ci ont fortement raviné les pentes, et le limon entraîné a recouvert d'une couche épaisse les établissements des points bas encore très occupés à la fin de l'âge du bronze. Ceci est très net dans la plaine des Laumes, sur le pourtour de celle-ci et dans la vallée de l'Ozerain. D'ailleurs les plateaux sont alors de nouveau occupés.
Les tumulus de l'âge du fer y sont toujours exclusivement situés, par exemple à Combe Barre à Darcey, dans la Forêt Domaniale de Flavigny ; la première sépulture de ceux-ci appartient la plupart du temps à la première période de Hallstatt, quelquefois à la deuxième, beaucoup plus rarement au début de la Tène, époque à laquelle les sépultures se sont faites surtout dans les couches superficielles des tumulus préexistants. Les grottes donnent souvent des produits de la deuxième période de Hallstatt ; le Grand Caveau de Flavigny, en particulier, contenait un très beau dépôt de cette période avec, en particulier, un magnifique bracelet-tonnelet d'un type plutôt alpin ; il semblerait donc qu'il y ait eu alors des troubles qui amenaient les gens à cacher leurs objets précieux dans les grottes. Il n'est pas impossible qu'on se soit aussi préoccupé à cette époque de renforcer les défenses des camps, et c'est alors que les grands barrages, comme ceux de l'Haut-Mont, auraient été édifiés. Il est bien regrettable qu'en dehors des tumulus on ne connaisse pour ainsi dire rien des établissements des gens du premier âge du fer dans la région; quelques vestiges ont été signalés près de la Croix Saint-Charles au Mont Auxois. En tout cas, avec une aggravation du climat, l'époque a du connaître des moments de troubles politiques et militaires coïncidant peut-être avec l'arrivée dans la région de nouveaux venus. Les nécessités du climat d'abord, puis des considérations d'ordre stratégique, ont poussé les gens à occuper les hauteurs et probablement à aménager des camps solidement fortifiés.
Nous arrivons ainsi dans la deuxième moitié du premier millénaire. Il est difficile de caractériser dans la région des établissements qui appartiennent en propre à l'époque de la Tène. En effet, un peu partout il semble qu'il y ait eu continuité d'occupation depuis cette période jusqu'en pleine époque gallo-romaine. De nombreux petits villages, avec des constructions en pierres sèches, ont été repérés à la base des corniches calcaires, près des sources (par exemple au sud-est de la ferme de Ravouse) ou même vers le fond des vallées (au nord et à l'ouest du Mont Auxois) lors des travaux effectués pour rechercher les traces du siège autour du Mont Auxois. Ces villages étaient certainement occupés à la période gauloise et il n'est pas impossible qu'ils l'aient été depuis le début de l'âge du fer, au moins ceux de base de corniche. Il faudrait fouiller avec soin ces établissements. Les fonds de cabane creusés dans la roche au Mont Auxois «En Curiot», d'autres édifices en pierres sèches sur le Mont Pennevel, au Camp de la Chagnolle à Hauteroche, ont probablement leur origine dans cette période ; les cahutes en pierre sèche aménagées dans les fissures de rochers à l'extrémité du promontoire d'Embussy ont probablement, elles aussi, été construites alors. Les conditions climatiques devaient être assez voisines de celles que nous connaissons. En tout cas c'est alors que se sont dessinées d'un trait ferme les structures de l'occupation humaine de la région, reprenant peut-être des esquisses antérieures, mais qui ne pouvaient guère remonter au-delà de la fin du deuxième millé-naire à cause des grandes perturbations qui se sont produites à ce moment.
La zone la plus fréquentée paraît avoir été la base de la corniche, là où sont à la fois des sources et des paquets d'éboulis qui assurent à proximité un sol plus meuble et plus perméable. En effet, nombreux sont en cette situation les établissements gallo-romains et ceux-ci continuent vraisemblablement une occupation antérieure.
De très vieux chemins circulent à ce niveau reliant entre eux ces établissements ; de ces artères partent des voies d'accès aux camps fortifiés des promontoires (par exemple abords du Mont Pennevel). Le système des voies de communications paraît d'ailleurs agencé de la façon suivante : on a des artères qui cheminent suivant l'axe des plateaux (par exemple la voie Alesia - Sombernon), d'autres moins visibles, mais dont on retrouve cependant ici où là des traces et qui suivent le fond des vallées souvent de part et d'autre de la rivière (par exemple dans la vallée de lOzerain) ; il y a aussi celles dont nous venons de parler qui suivent en gros la base de la corniche calcaire (par exemple autour du plateau d'Epermailles à Flavigny) ; enfin des voies de raccord qui passent d'un plateau à l'autre en traversant les vallées et recoupent en des points intéressants le réseau précédent, soit sur les plateaux (La Chagnolle à Hauteroche), soit dans les vallées (village gaulois au sud du Mont Auxois), soit en base de corniche (en Ville Martin à Flavigny).
Ce réseau de voies de communications montre que si la zone la plus fréquentée était la base de corniche, on ne dédaignait ni les plateaux ni les vallées ; du même coup on entrevoit à travers cette disposition, qui n'est pas loin de l'actuelle, que d'une part le climat physique devait s'être amélioré par rapport à ce qu'il était quelques siècles auparavant et que le climat politique lui aussi était moins troublé.
Ce que nous connaissons de la période de la Tène, nous le devinons surtout à travers les vestiges des établissements gallo-romains dont on a pu vérifier en plusieurs cas qu'ils continuaient des occupations antérieures. Nous n'insisterons pas ici sur les événements de la conquête, bien qu'ils aient laissé dans le sol des traces indéniables et ineffaçables, car celle-ci n'a pas troublé l'ordonnance générale du pays. Le cimetière de bébés, partie d'une nécropole plus importante, découvert sur le flanc nord du promontoire de la Croix-Saint -Charles au Mont-Auxois, a donné des monnaies du premier siècle ; la vie n'avait donc pas été interrompue sur le Mont Auxois et encore moins dans les environs. Les établissements gallo-romains sont disséminés avec profusion sur tout le territoire étudié ; cette dispersion de l'habitat indique une période de prospérité et de paix.
Nous signalerons comme particulièrement remarquables les installations de la Forêt Domaniale de Flavigny. A l'entrée septentrionale de la forêt non loin de la source de Millière, on a des vestiges d'une agglomération rustique avec vestiges d'habitations, terrains de culture et cimetière par incinération du deuxième siècle surtout ; plus loin, au sud de la Fontaine de Jérusalem, existe un groupement d'habitations plus importantes avec tout un système d'enclos au milieu desquels on voit apparaître des tumulus de l'âge du fer, des tumulus gallo-romains et où l'on rencontre des vestiges gaulois et néolithiques au sens large. Il y a là un très bel ensemble à étudier. Cette large occupation, aujourd'hui recouverte par la plus ancienne forêt du secteur, n'est pas un exemple unique; on trouve des vestiges d'importants établissements gallo-romains dans nombre de vieilles forêts de la région ; comme il y en a autant en dehors des parties boisées, il est donc légitime d'admettre qu'aux premiers siècles de notre ère, la contrée était beaucoup moins couverte de bois qu'elle ne l'est actuellement. La plupart des établissements gallo-romains dont il vient d'être question portent des traces de destruc-tion violente par le feu; il semble que c'est vers le troisième siècle et vers le cinquième ou le sixième qu'ont eu lieu les maximums de ces saccages.
Nous arrivons ainsi vers le haut moyen-âge, période où des troubles importants ont du affecter le secteur. On y rencontre de nombreux cimetières barbares ; ceux-ci sont presque exclusivement localisés à la base de la corniche calcaire et installés dans les sables cryoclastiques fréquents à ce niveau. Parfois la sépulture est faite en sarcophage, mais la plupart du temps il s'agit de pauvres tombes presque sans mobilier, le sarcophage étant remplacé par un entourage de petites pierres plates dressées sur champ (cimetière de Premesaut dit des Pestiférés de Flavigny, cimetière au sud de Leugny, etc.) Les établissements paraissent avoir été situés surtout à la base de la corniche, souvent à la place ou à proximité d'un établissement gallo-romain, mais il y en avait aussi sur les points élevés, par exemple sur le rebord sud du promontoire de Flavigny dans le parc du séminaire.
Durant cette période du haut moyen-âge, il dut y avoir des troubles considérables qui saccagèrent les installations gallo-romaines antérieures, amenèrent leur abandon et la concentration des groupes humains sur des positions de défense. L'habitat était moins dispersé et les cultures moins étendues, l'avance de la forêt fut favorisée. D'autre part, une bonne partie de la population fut vraisemblablement réduite à un état misérable et dut reprendre des modes de vie presque préhistoriques. Actuellement à la base de la corniche, au milieu des éboulis qui l'encombrent ou sur les pentes de raccord avec le plateau, là où la corniche est effacée, et particulièrement dans les sortes de criques que donne le bord sinueux des plateaux, on découvre dans les fourrés qui recouvrent tout ce secteur des vestiges de très importants aménagements (par exemple dans les bois de Verpant à Flavigny, etc ... ). Ces aménagements sont très difficiles à dater, il est hors de doute qu'il en est de récents liés à la culture, spécialement à celle de la vigne : jusqu'au siècle dernier on cherchait, en effet, jusqu'au moindre coin bien exposé pour y planter de la vigne, quitte à monter de la terre là où elle était trop peu abondante. Mais il en est qui doivent remonter aux périodes troublées du moyen âge; les groupes humains chassés de leurs bons établissements se sont installés comme ils ont pu dans cette zone déshéritée, où ils trouvaient des refuges, des cachettes, en particulier dans les grottes, et d'où cependant ils pouvaient de temps en temps s'échapper soit vers les plateaux, soit vers les vallées.
Dans le bois de Verpant, à Flavigny, on a trouvé sous un abri rocheux une sépulture du haut moyen âge et quelques autres vestiges. Dans le village même de Flavigny existe un souterrain refuge de 22 mètres de long avec 11 loges latérales, le tout entièrement creusé dans la roche; lui aussi paraît remonter au haut moyen âge et être en liaison avec l'abbaye fondée en 726. Ce sont probablement les troubles de cette période qui ont amené les groupes des environs, en particulier ceux de Bornay, à venir s'établir sur le promontoire et fonder en quelque sorte l'ancienne ville de Flavigny. Une étude détaillée des vestiges de cette période dans la région, serait elle aussi du plus grand intérêt.
L'essai que nous venons de présenter montre ce que peut donner l'étude détaillée d'un petit secteur. La carte ci-jointe offre une vue d'ensemble des données qui lui ont servi de base. A son échelle, cet essai souligne l'importance de la méthode géographique qui cherche à donner une idée de la répartition des établissements à une époque donnée et à tirer des conclusions de cette répartition.
Il indique aussi les difficultés de la méthode ; les conclusions ne sont valables que si le secteur a été complètement exploré ; il faudrait tenir compte dans la carte de répartition de la difficulté d'exploration et de la densité des investigations. Ainsi dans la région considérée l'âge du bronze parait peu présenté ; en réalité il en est ainsi parce que les gisements de cet âge sont recouverts de limon ; d'autre part, les environs immédiats de Flavigny paraissent plus riches en établissements parce que l'auteur, résidant à Flavigny, les a mieux explorés. On voit aussi qu'un dispositif ne doit jamais être considéré isolément ; il fait partie d'un ensemble ; sa place dans cet ensemble et sa connexion avec les autres parties sont à rechercher. Par exemple, à ne considérer que les grottes, on dira qu'elles ont été habitées au néolithique, à l'âge du bronze, etc... alors que dans l'ensemble elles n'apparaissent que comme des refuges occasionnels.
Ces études détaillées sont le seul moyen de faire revivre d'une façon qui ne soit pas fantaisiste la façon dont l'homme a su, avec les moyens qu'il possédait aux diverses époques, tirer parti de ces premières données du problème de son existence que sont le climat et le sol du pays qu'il habite. Celui qui vient d'être étudié a ceci de particulièrement attachant qu'il garde dans son sol les stigmates des combats furieux qui coûtèrent à la Gaule son indépendance.
Auteur : Abbé Joseph Joly
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